Rousseau, qui fut également copiste musical, rêvait de présenter l'univers des plantes avec le moins de mots possibles, en une sorte de pasigraphie végétale éloignée des longues descriptions "à la Linné". De cette même volonté d'économie sont nés les contrepoints herbacés enluminant les extraits des cinquième et septième promenades des "Rêveries d'un promeneur solitaire". Les mots de Rousseau font écho aux herbiers vivants d'Ariane Blanc-Quenon dont les planches inédites de ce blog offrent un aperçu. Cette partition à deux voix rend hommage à l'écrivain botaniste dont on fête en 2012 le tricentenaire de la naissance. Chaque nouvelle parution invite à la rêverie, quelque part entre Môtiers et Baulmes réunis pour la circonstance.

Dents de passage


Une de mes navigations les plus fréquentes était d'aller de la grande à la petite île, d'y débarquer et d'y passer l'après-dînée, tantôt à des promenades très circonscrites au milieu des marceaux, des bourdaines, des persicaires, des arbrisseaux de toute espèce, et tantôt m'établissant au sommet d'un tertre sablonneux couvert de gazon, de serpolet, de fleurs, même d'esparcette et de trèfles qu'on y avait vraisemblablement semés autrefois, et très propres à loger des lapins qui pouvaient là multiplier en paix sans rien craindre et sans nuire à rien. Cinquième promenade.

Blanc-Quenon ©