Rousseau, qui fut également copiste musical, rêvait de présenter l'univers des plantes avec le moins de mots possibles, en une sorte de pasigraphie végétale éloignée des longues descriptions "à la Linné". De cette même volonté d'économie sont nés les contrepoints herbacés enluminant les extraits des cinquième et septième promenades des "Rêveries d'un promeneur solitaire". Les mots de Rousseau font écho aux herbiers vivants d'Ariane Blanc-Quenon dont les planches inédites de ce blog offrent un aperçu. Cette partition à deux voix rend hommage à l'écrivain botaniste dont on fête en 2012 le tricentenaire de la naissance. Chaque nouvelle parution invite à la rêverie, quelque part entre Môtiers et Baulmes réunis pour la circonstance.

Bourrache et séneçon


Tout d'un coup, âgé de soixante-cinq ans passés, privé du peu de mémoire que j'avais et des forces qui me restaient pour courir la campagne, sans guide, sans livres, sans jardin, sans herbier, me voilà repris de cette folie, mais avec plus d'ardeur encore que je n'en eus en m'y livrant la première fois; me voilà sérieusement occupé du sage projet d'apprendre par cœur tout le Regnum vegetabile de Murray et de connaître toutes les plantes connues sur la terre. Hors d'état de racheter des livres de botanique, je me suis mis en devoir de transcrire ceux qu'on m'a prêtés, et résolu de refaire un herbier plus riche que le premier, en attendant que j'y mette toutes les plantes de la mer et des Alpes et de tous les arbres des Indes, je commence toujours à bon compte par le mouron, le cerfeuil, la bourrache et le séneçon. Septième promenade.